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Des Idiots et des anges
Bill Plympton classe
mercredi 14 janvier 2009, par
La première fois que je suis rentré en contact avec un film de Bill Plympton, c’était à l’occasion de Mutants Aliens, au festival d’Annecy 2001. L’avant-première du film était présentée par le réalisateur lui-même, toujours très ouvert au public. Ce grand dessinateur et animateur américain vient en effet en France à chaque nouveau film et c’est un grand plaisir de le retrouver.
Le ton décapant de son auteur se retrouve toujours dans ses films, courts comme longs, et si avec Mutants Aliens on avait touché du doigt le summum du débile jouissif, avec Hair High, sorti en 2006, Plympton avait voulu faire plus : plus de décors, plus de personnages, plus d’ambiances, plus de voix connues au casting... Après de longs mois à animer comme à son habitude les milliers de dessins nécessaires à la réalisation de ses films, Bill Plympton livrait avec Hair High, dont on pouvait voir la progression via une webcam sur son site officiel, une comédie "aigre-amère" sur les années lycées. Déjà le processus dramatique prenait de l’ampleur, une ampleur qui se confirme aujourd’hui avec le ton et l’ambiance de Idiots and angels.
De l’aveu même du réalisateur, Hair High n’a pas obtenu le résultat escompté en salles. C’est pourquoi Idiots and angels peut surprendre : peu de personnages, très peu de décors. Bill Plympton n’a cette fois pas recherché la débauche de moyens. Il s’est concentré sur ses personnages, ses dessins, ses ambiances. Et force est de constater que cette application lui sied bien : l’histoire de Angel, cadre dynamique déprimé toujours prêt à faire à un mauvais coup, nous plait car elle se concentre sur tous les petits détails de son quotidien, d’une manière particulièrement sincère. Le personnage est grincheux au réveil soit, mais il est surtout très envieux de la belle blonde tenancière du bar qu’il hante. Son comportement totalement obscène vis-à-vis d’elle dans un premier temps nous gène, à la limite d’en faire un sale type. Et pourtant, grâce à toutes les petites choses que nous savons de lui, nous savons qu’il ne l’est pas.
L’ange, bon ou idiot ? La grande force de Idiots and angels est indéniablement le style plymptonien. Il utilise constamment les possibilités de l’animation pour déformer l’espace et le temps à sa guise, pour récréer un univers et nous le rendre plus familier. La proximité déformée entre personnages ou au sein même d’un seul être nous indique leurs relations. Si les déformations de Plympton nous apportent une (re)lecture à l’action, elles sont évidemment aussi là pour nous faire rire. Dès qu’il en a l’occasion, Bill ne s’en prive pas, et ce pour notre plus grand plaisir. A noter que le film est absolument sans aucun dialogue, ce qui marche parfaitement.
Si les décors ou personnages, toujours réalisés au crayon, ne sont pas - nous le savons - du style le plus soigné, ils sont suffisamment évocateurs et fonctionnement parfaitement. Il m’est arrivé plus d’une fois de me sentir totalement absorbé par le traitement des couleurs, par les dégradés ou encore le superbe travail sur la lumière... et de me rendre compte que cette magie opère avec vraiment un minimum d’éléments à l’écran. Les ambiances lumineuses sont donc particulièrement impressionnantes et l’animation des personnages prend tout son sens sur le papier.
L’ange, bon ou idiot ? Idiots and angels est beaucoup plus sérieux que ses précédents films. L’humour est pourtant loin de le déserter. Au contraire, dans une trame plus posée et contemplative (les plans et les actions prennent leur temps, loin des frénésies d’antan), l’humour vient surprendre à chaque détour de plan. La folie n’est pas absente. L’absurde parfois même. La palette des sentiments, tout en étant très large, s’unifie parfaitement. L’histoire prend constamment des virages inattendus, et se permet des ambiances rares.
Idiots and angels semble donc être ainsi un film de la maturité pour Bill Plympton. Mais on aurait peur de le vexer en disant cela : tous ses films relevaient un challenge. Celui de Idiots and angels, de combiner tant d’émotions et de parfaire une beauté plastique brute, semble être largement réussi. Bill Plympton mérite largement des applaudissements, et j’ai été content de pouvoir les lui donner lors de la projection avant-première de son film au cinéma Méliès de Montreuil.