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Interview Buta Connection

avec du RYoGA dedans

samedi 15 décembre 2012, par Richard

C’est amusant de retomber sur une vieille interview de soi. Celle-ci date de 2006 et avait été donnée pour Buta-Connection au sujet de l’influence de Ghibli sur la BD occidentale. De nombreux auteurs y avaient participé et j’avais pu répondre aux questions posées sur les strips BD et ma passion pour Ghibli.

Originellement publié sur Buta Connection

Part 1/ Mafalda, Snoopy, Les Boondocks, Pim Pam Poum, Fuku-chan, Calvin et Hobbes, Nancy, Nos Voisins les Yamada, Hägar Dünor le viking, Garfield et bien d’autres comic’s strip sont-ils des incontournables parmi tes lectures et ont-ils joués un rôle dans ton envie de dessiner des bds au format court sur ton blog ?

Le Blog et ses strips quotidiens, c’est au minimum un rendez-vous par jour avec les lecteurs. C’est au format court parce que d’abord comme j’ai un boulot plein temps j’en ai peu (du temps). Ensuite le dessin est souvent une bulle d’évasion qui se réalise assez vite. Enfin pour ce média qui est le blog on a tout intérêt à faire court et intense pour des raisons d’efficacité.

En France on est familiarisé avec les albums parce que ce sont ces histoires complètes qui ont bercé notre enfance (Astérix, Tintin, Alix, Thorgal...) Quand j’étais petit je lisais aussi beaucoup de magazines comme Pif ou Picsou ou l’on retrouvait des histoires d’une page ou des strips. Gaston Lagaffe, c’était pour moi THE album avec des strips. Sinon les strips étaient toujours américains c’est vrai (Garfield, Calvin & Hobbes, Dilbert) et je les retrouvais régulièrement aux coins des journaux ou des revues. Depuis plus de dix ans en France les mangas ont pris la relève, mais nous avons directement les livres complets et non pas la dizaine de pages hebdo comme l’ont les japonais. Il y a fidélisation quand même parce que le tome suivant est toujours attendu avec une grande impatience (et qui est généralement récompensée assez rapidement) !

Et puis j’ai découvert sur le net des séries de strips quotidiens (comme General Protection Fault, commencés en 1998 et qui continuent toujours aujourd’hui !! mais j’avoue que ça m’a lassé, ça se répète beaucoup trop). Un site comme bulledair.com met en avant la publication en ligne de séries de strips, qui de plus se renouvellent, une très bonne initiative, qui marche !

Quand on m’a commandé un concept de strips en 3 cases (les strips PN), exercice difficile que je n’avais jamais réalisé, je me suis naturellement tourné vers Garfield et Calvin & Hobbes. J’ai fait un strip par semaine en un an et demi. J’ai arrêté parce que je n’aimais plus ce que je faisais vivre aux personnages. Mais aussi pour le principe de narration en trois cases que je trouvais trop contraignant. Sur mon blog c’est le sujet qui impose le style graphique et sa durée, et non le contraire. Mais tout est question d’esprit et de feeling, reprendre du strip en 3 cases ne me déplairait pas (en photocopiant des pages de cases au préalable alors ! )

Le format d’histoires dessinées en peu de cases ne semble pas rencontrer un fort succès chez les éditeurs français, contrairement aux Usa ou au Japon, alors qu’il fait fureur sur de nombreux blogs de dessinateurs. Penses-tu qu’il s’agisse d’une question culturelle, d’un manque de prépublication dans la presse quotidienne ou d’autres raisons ?

Les strips ont la grande force de distribuer chaque jour un nouvel épisode, même court, des aventures de personnages de fiction. Le public est accro et en redemande. C’est le principe des séries télé. Les blogs c’est le même concept, souvent couplé à de l’autobiographie plus ou moins dissimulée. On devrait pouvoir retrouver des strips dans tous les quotidiens français. Mais non. Ces quotidiens doivent se dire qu’ils n’ont pas leur place dans leur ligne éditoriale. En même temps il faut trouver le dessinateur qui sache s’adapter aux genres et à l’actualité (Faisan, encore que là c’était de l’illustration, Sempé de même, les dessins dans le Canard Enchaîné, que de la politique en somme !). Ou bien qui sache créer un univers qui rallie le plus de monde. Comme c’est difficile, c’est souvent qu’on retrouve découpés en strips les histoires qui ont bien marché en album (Le Chat, Titeuf, Léonard...). Qui était eux-mêmes souvent des strips à la base !... On n’exploite pas assez la multitude de créations disponibles à destination d’une publication en strips. Alors est-ce que les auteurs sont mauvais ? Pas adaptés à un format psychorigide antédiluvien ? Le meilleur exemple populaire de strips à succès actuellement c’est Frantico, qui a réussi à captiver les internautes pendant six mois au moyen d’un strip d’une page par jour, et de passer à la publication journaux à raison d’une ou quelques pages par diffusion, puis ensuite le recueil. Pour tout ça, chapeau ! Dans ce sens il est à prévoir que le "phénomène blog" va servir à faire émerger des auteurs vers la publication d’albums et de rédaction de strips dans les journaux. C’est déjà le cas aujourd’hui.

Part 2/ Peux-tu nous parler de ton rapport avec les films du studio Ghibli (comment as-tu découvert, qui, quoi, quand, où ?). Emu, amusé, captivé tout seul ou en famille, as-tu un souvenir marquant et magique lié au visionnage d’un Ghibli ?

Je suis un grand passionné de cinéma d’animation. J’essaie de voir un maximum de courts et de longs métrages, surtout pendant les festivals. En fait c’est un peu comme si j’étais "élevé au Festival d’Annecy", ce dernier m’ayant permit de découvrir beaucoup de films de tous formats, genre et pays. C’est très enrichissant. Le genre "animation" synthétise beaucoup de choses essentielles.

Alors je suis grand amateur des films de Aardman, de Folimage, de Bill Plympton, de Frédéric Back, de Florence Miailhe, de Paul Driessen, d’Alexander Petrov, de George Schwiztgebel, de Jan SVANKMAJER, de Paul Grimault, Kuzco (oui c’est un film mais je me devais de le placer quelque part celui-là !), tous ces genres et graphismes font la vraie richesse de l’animation ! Je ne vais bien sûr pas oublier nos amis Hayao Miyazaki et Isao Takahata, dont les films figurent en haute place dans mon esprit et mon cœur. Le problème maintenant c’est presque qu’ils y figureraient en trop haute marche et qu’ils auraient tendance à me faire oublier un peu tous les autres. Et ça, c’est mal ! (rires)

Je ne fais pas parti de ceux qui ont découvert leurs films en Festival il y a dix ans ou en dvd pirate chez le revendeur japanime du coin. Non, moi je fais parti de la "seconde génération" (la troisième étant ceux qui ont découvert les films de Ghibli au cinéma), ceux qui ont découvert leurs premiers Ghibli à la télé. C’est ainsi qu’après avoir vu Porco Rosso en VHS en Français puis en VO sur Canal +, j’ai vu Mon Voisin Totoro sur canal en mai 1998. De même j’ai vu Le Tombeau des lucioles en mai 1999. Je me souviens même que j’avais cherché à voir Le Tombeau des Lucioles au cinéma, mais sa sortie était toujours repoussée ! 1996, 97... pour ne finalement pas sortir dans ma petite ville !


Oh le beau lens flare !

Princesse Mononoké était alors sorti au Japon depuis quelques temps et mon intérêt soudain pour les films de Ghibli m’invite à redécouvrir mes anciens Animeland pour y retrouver les articles consacrés au film de Miyazaki. Comme beaucoup, j’attends alors de longs mois la sortie du film en France qui a lieu enfin le 12 janvier 2000, avec une distribution nationale. Je vais voir le film en VO dans une petite salle baroque de province. Et déguste l’œuvre.

C’est d’ailleurs dans Animeland que je remarque la sortie en dvd d’un film à l’époque encore inédit en France : Mes Voisins les Yamada. Je commande. j’attends. j’attends. Et découvre enfin le film de Takahata. Une claque. Quelque part j’ai jamais vu ça. Formellement. Narrativement. On adhère aux personnages comme si on avait suivi une série de strips et qu’on les aime avec le temps. Tout ça en un film de deux heures. Sans parler des ruptures de ton, des messages on ne peut plus intelligent amenés dans le film. C’est fun, c’est beau, c’est drôle, et surtout c’est réfléchi et sincère. Pierre blanche.

C’est aussi l’époque où je vais pour la première fois à Annecy. Et où je découvre les Ghiblies 1 au milieu de centaines de spectateurs totalement enjoués à la diffusion inédite de ces petites bulles de plaisir. Je n’ai d’ailleurs jamais revu ces films et n’en ai qu’un vague souvenir ! Merci à Buta-connection d’héberger des images de ce programme court pour raviver les souvenirs !

Mon dernier grand moment Ghibli, sans compter les distributions cinéma que l’on connaît, fut de recevoir tous les dvd japonais des films de Miyazaki, Takahata et Kondô. J’avais travaillé tout l’été 2003 (celui de la canicule) en chambre froide, un travail de manufacture contraignant. Je me fredonnais en tête les musiques des films pour passer le temps et me dire que grâce à ce travail ils seraient bientôt miens ! Lorsque j’ai reçu les films ce fut une orgie de Ghibli ! Et en fait c’est là que je me suis rendu compte que je préférais vraiment les films de Takahata. Si les films de Miyazaki stimulent ma corde sensible (je pleure sur la musique de fin de Chihiro en lisant les sous-titres !), je suis bien plus réceptif à la façon de faire de Takahata. Pour moi, revenir à un réalisme par le biais de l’animation je trouve ça très fort ! Je relisais votre interview de Takahata qui disait qu’il trouvait dangereux à long terme les films voulant à tout prix vous plonger dans l’imaginaire. Je comprends bien ce qu’il veut dire. Personnellement je suis de moins en moins intéressé par ce type de films, il me faut autre chose pour y adhérer totalement. C’est cette intelligence, qui n’a rien à voir toutefois avec de l’intellectualisme, qui m’interpelle aujourd’hui. Balancer du rêve en masse et en continu au peuple c’est une attitude qui n’est pas vraiment saine.

Franco-canadien, j’ai découvert il y a plusieurs années les films de Frédéric Back et j’ai été très touché d’apprendre que Takahata admire lui aussi ses films. Je me suis procuré le dvd de la rencontre ente les deux auteurs qui est assez émouvante. Enfin grâce à Buta-connection j’ai pu assister à la projection en avant-première de Pompoko en français le 1er septembre 2005, en présence de Takahata. Quand tout le monde s’est levé à la fin de la projection c’était particulièrement émouvant. Je pouvais enfin remercier Takahata du bonheur qu’il m’a donné à voir ses films. Mon rêve serait de rencontrer Takahata et Back en personne, mais j’avoue que je ne saurais trop quoi leur dire. J’ai pu remercier Takahata en tant que spectateur et correspondre une fois avec Frédéric Back. C’est déjà énorme.

Pour terminer, j’ai un énorme coup de cœur pour Mimi wo sumaseba, dont je me passe l’intro et la séquence "orchestre" de temps en temps. De même pour Ghiblies 2, que pour le coup je regarde régulièrement, montre à un maximum de gens que j’aime, et qui me rebooste le moral et la motivation. D’ailleurs le temps de répondre à ces questions j’ai eu le temps de me les remater ! :-)

Merci à Buta Connection pour cette interview !


Voir en ligne : Ghibli et la BD occidentale